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In Bocca Al Lupo
23 juin 2010

"After me, the déluge."

 

La chouette critique de Libé

(source : http://www.liberation.fr/culture/0101618610-sorry-footsbarn-reveille-les-morts)

 

THÉÂTRE 11/02/2010
«Sorry !», Footsbarn réveille les morts
CRITIQUE

Théâtre . La troupe anglaise, associée aux Fusains et aux Werdyn, transforme un enterrement en profusion foutraque. Réjouissant.

Par FRÉDÉRIQUE ROUSSEL

 

Deux croque-morts, aux allures roublardes, font les beaux au milieu de la piste. Un compositeur célèbre a rendu l’âme, son cercueil est apporté solennellement dans une charrette à cheval. Le cercle devient le théâtre de funérailles, accompagnées par un trio de musique classique. On cite Shakespeare et Goethe ; le petit orchestre joue du Schubert. On respecte une minute de silence. Dans la salle aussi, silence !

Mais l’ambiance sent le plastron boutonné sur un corps serré à étouffer. Le premier bouton saute. Un coq noir débarque en sautillant et vient se percher sur le cercueil. Puis c’est un chat qui, l’air de rien traverse, l’espace sablé. Nos deux croque-morts (les excellents Pierre Byland et Vincent Gracieux) pince-sans-rire font les gros yeux à chaque nouvelle apparition perturbatrice du bon déroulement d’obsèques dignes de ce nom. Mais la surenchère se manifeste par l’irruption d’un cheval blanc au galop. Il a même le toupet de brouter la couronne mortuaire. Le plastron a carrément craqué.

 

Touche équestre. Sorry ! est l’excuse proférée par Paddy Hayter quand il fait à son tour irruption sur un tracteur criard et bruyant aux côtés de sa sœur ; c’est également le titre de la dernière création du Footsbarn Travelling Theatre. Habi tuée des adaptations hors normes de grands classiques - Homère, Shakespeare ou Molière -, pour ce spectacle la compagnie s’est associée à deux autres : les Fusains et le Cirque tsigane Werdyn. Ce dernier apportant la touche équestre, ou plutôt la vigueur chevaline.

De l’union de ce trio d’univers naît un spectacle foutraque, où le metteur en scène et coauteur Pierre Byland (les Fusains) a dû composer habilement pour prendre en compte les talents de chacun. Clown suisse, formateur de générations de comédiens à l’Ecole internationale de théâtre Jacques-Lecoq, Byland joue sur les enchaînements farfelus, jusqu’à l’explosion biblique finale, et l’on sent les abîmes de l’improvisation. Le chat, au hasard, peut décider un soir d’ignorer son point de chute sur le cercueil. C’est là toute la magie de Sorry ! dite «pièce de théâtre pour clowns, croque-morts, chevaux, poules, tracteur, tziganes, enfants, chiens, moutons, violonistes, chanteurs lyriques, cadavres, dieux, techniciens zélotes et une poignée de piment»… Comment parvenir à une mécanique précise avec une telle liste de courses ? Le propos est plutôt de faire jaillir le choc et les contradictions. Et l’humour, pas si noir que ça, malgré le thème de départ, se révèle plutôt vigoureux et grande gueule, porté par le clown (Paddy Hayter, pilier du Footsbarn depuis près de quarante ans) qui dérange l’esprit feutré de la cérémonie.

 

Ambulant. «Nous revenons de Londres où nous avons joué pendant quinze jours au Globe, le théâtre de Shakespeare», raconte le comédien et directeur anglais du Footsbarn, les yeux b rillants et les vêtements sens dessus dessous après le spectacle. Avant Sorry !, ils ont tourné sans relâche sur les routes d’Europe avec leurs interprétations joyeuses et footsbarnesques de L’homme qui rit de Victor Hugo et du Songe d’une nuit d’été de leur auteur fétiche, Shakespeare. Après la Cartoucherie de Vincennes, où elle fait escale pour la troisième fois dans le superbe théâtre de l’Epée de bois, la compagnie va reprendre la route. Après Elbeuf, en Normandie, à la mi-mars, elle se rebaigne dans ses origines pour l’été en Angleterre, puis ira en Suisse, en Belgique, avant de finir l’année dans le sud de la France.

L’ambulant, de villes en villages avec chapiteau sur le dos, reste la raison d’être de cette mythique compagnie qui a vu le jour en 1971, dans les Cornouailles anglaises. Oliver Foot et John Paul Cook voulaient amener le théâtre à la campagne et le nom est venu de là. La communauté répétait dans la grange d’Oliver Foot, Foot’s barn. Dix ans après la fondation de la compagnie, ils décident de partir à l’aventure… avant de trouver un lieu d’attache, à La Chaussée, près d’Hérisson, dans l’Allier, en 1990. Depuis deux ans, le Footsbarn a entrepris de transformer ce camp de base en un lieu de rencontre et de transmission, où sont accueillis des résidences et des stages.

 

L’homme au tracteur insiste. A l’endroit où se déroule un enterrement était prévu un mariage. Prétexte à couper la scène du cirque en deux. A gauche, la tristesse compassée, à droite, la joie enivrée. Le public est alors sommé de choisir physiquement son camp. La cacophonie s’annonce et, dixit le Footsbarn, c’est «le chaos joyeux de nos existences».

 

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