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In Bocca Al Lupo
16 octobre 2008

Premier roman d'une S.B.

bassignac

J'avais très envie de lire Les aquariums lumineux parce que le titre me plaisait énormément. Bien métaphorisé, bien poétisé, comme je les aime ! J’ai fini de le lire il y a quelques jours. Le coup de coeur pour le titre demeure.  Pour le livre en lui-même, ça reste à voir. En fait, je crois que c’est typiquement le genre de bouquin que j’aime bien sur le coup mais qui m’énerve après coup. Je m’explique.

L’histoire m’a semblée un poil bancale. On part sur un roman de la solitude urbaine, on cède à la tentation du polar (après tout, la couverture est jaune et noire, c’est ce qui s’appelle "annoncer la couleur"), on finit en queue de poisson. Pourquoi pas, on a déjà vu plus loufoque comme construction. Mais là, je trouve que ça ne prend pas. Le jeu de piste mis en place par Ishida pour Claire arrive comme un cheveu sur la soupe (le-ticket-laissé-dans-le-bouquin-qui-mène-au-pressing-qui-mène-à la-lettre-fixant-un-rendez-vous-secret, et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu). Je ne demande pas à un roman d’être absolument réaliste, bien au contraire, mais j’exige un minimum de vraisemblance sans quoi j’ai la désagréable impression d’être baladée.

Le personnage principal m’emmerde au plus au point. Elle n’est pas seulement banale (ce petit bout de femme qui se protège du monde et de ses agressions comme elle peut), elle est aussi affreusement clicheteuse. Claire est une véritable synthèse, une héroïne à la croisée des chemins, entre l’emmerdeuse classique à la Rohmer et l’Amélie Poulain défraîchie. Du côté de chez Rohmer, les « je veux, je veux pas, j’ai mes têtes, je sais pas… » (cf les stratégies que doit déployer son mec pour l’approcher), les « je suis sensible au monde, je me pose des questions d’une portée philosophique incroyable » (cf  « qu’est ce qui reste quand on meurt ? » du premier chapitre, mais les exemples abondent). Du côté de chez Jeunet, l’omniprésence du jaune (je ne sais pas si vous connaissez la chanson « Amélie Poulain » des Fatals Picards, qui dit « pour que tout soit jaune dans le film, on frotte les murs avec du curry » : les murs de Claire sont « jaune pisseux »). Vague impression que Claire en tant que personnage n’a rien de nouveau, que tout est déjà vu.

Pour ce qui est du texte en lui-même, je suis partagée. Certaines phrases m’ont beaucoup touchées, des phrases courtes, simples et très justes. Certaines idées sont tout bonnement lumineuses (cf le voisin qui, par sa grande taille, « rapetissait » le salon de Claire). D’autres phrases me font grincer les dents et l’esprit (l’exemple canonique étant « Le regard de Claire s’était éteint comme la lumière qu’on coupe dans une pièce qu’on quitte » : p. 83, je crois. Non seulement la comparaison est bidon, mais c’est aussi affreux du point de vue sonore : ça fait « con con »). Je suppose que c’est le lot de beaucoup de premiers romans de comporter beaucoup de passages où l’auteur s’écoute parler et quelques bribes géniales. C’est particulièrement vrai ici.

Frappée par la place qu’occupent les arts (le cinéma, la peinture, la littérature… ) dans le roman. Quand on y prête attention, on ne voit plus que ça. Les comparaisons pleuvent : machin n’était pas Grace Kelly, bidule ressemblait à Delphine Seyrig, truc a des mains comme celles que peignaient les peintres avant Raphaël, etc, etc… Les références à la culture sont incessantes. Thomas disait « on sent bien que l’auteur est mature », je ne suis pas tout à fait d’accord. Faire l’étalage excessif de sa culture, c’est mature ? On a l’impression que Sophie Bassignac a essayé de caser en 220 pages tout ce qui lui tient à cœur dans la vie. Les références, oui ; l’intertextualité permanente, non.

J’irai même jusqu’à dire qu’on assiste au déploiement d’une théorie de la définition de l’être par sa culture. Qu’est-ce qu’on sait des personnages, en fin de compte ? Claire est rousse, ça nous fait une belle jambe niveau descriptif. Par contre on sait qu’elle aime Godard, la peinture italienne, qu’elle lit énormément, qu’elle regarde Breakfast at Tiffany’s quand ça ne va pas… M. Ishida lit the International Herald Tribune, les gens du quartier ont une tête à lire la presse anglophone… Tout est rapporté à un mode de vie... disons... très Télérama.

Par ailleurs, j’ai été troublée par les ressemblances avec L’Elégance du Hérisson, de Muriel Barbéry. Même cadre (la ville de Paris, un immeuble avec concierge, des appartements bien différents), même genre d’intrigue (des voisins qui s’ignorent, s’épient, s’envient ; des rencontres dans les couloirs, contacts furtifs ou mises en scène de relation de bon voisinage ; des destins individuels qui se frôlent, se touchent, s’altèrent les uns les autres), même ambiance japonisante (le voisin M. Ishida chez Bassignac, c’est M. Ozu chez Barbéry)… Je veux bien qu’il y ait des passerelles, des échos entre les livres, des phénomènes de mode littéraire, mais là, ça commence à faire beaucoup !


Bon, j’en reste là avec le dégommage en règle parce que, malgré tout, c’est une jolie tentative d’approcher la gravité à l’échelle individuelle, la pesanteur des relations humaines. Et ça se laisse lire avec facilité et plaisir.

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