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In Bocca Al Lupo
6 mai 2008

Je l'initie, tu m'inities, il t'initie...


Les filles ont brusquement cessé de danser et elles ont commencé à se déshabiller en harmonie, comme si elles s'étaient concertées au préalable. Les flûtes de Pan se sont tues et seul le petit tambour continuait désormais à scander son rythme monotone. Elles balançaient leurs fringues sur les branches des arbres et quand elles furent complètement à poil, elles ont toutes sauté dans le lac en riant, sauf Suzy qui est venue vers nous en tenue d'Eve. Franck avait les yeux qui brillaient à la lueur des torches.
- Allez, venez les copains, on va donner une actualité au chaos des origines.
Les peaux étaient blanches dans l'eau sombre du lac et les chairs furtives apparaissaient et disparaissaient dans la nuit froide. Suzy a rejoint les filles, suivie de Clotilde qui a crié en rentrant dans l'eau glacée. La mâchoire de Franck se décrochait lentement.
- Et là, il se passe quoi ? a-t-il demandé.
J'ai haussé les épaules.
Les corps se tortillaient dans le lac, semblaient s'attirer, se collaient puis se décollaient, les rires fusaient et puis s'atténuaient, les mouvements étaient maladroits, l'eau faisait des petits remous qui brillaient à la lueur des torches.
- T'aurais pas l'impression qu'il se passe comme qui dirait des trucs louches en sous-marin ? a demandé Franck.
- Ça doit être rituel mon vieux.
- Rituel, mon cul. Si tu veux mon avis, elles sont en train de faire une partouze de gouines en direct, c'est tout.
- Puisque je te dis que c'est rituel. C'est l'harmonie avec les symphonies célestes ou un truc comme ça.
- Les symphonies célestes ?
- Ouais. Les symphonies célestes.
On entendait dorénavant des soupirs et des râles. Une des filles était cambrée, ses seins sortaient de l'eau. Suzy et une autre s'embrassaient carrément à plein bouche en s'étreignant.
- Les symphonies célestes, a répété Franck plusieurs fois. Moi j'aurais plutôt tendance à dire : des petites gouines dans un lac.


les__vangiles_du_lac

Il y a une chose que je n'arrive pas à déterminer : est-ce que Les Evangiles du Lac m'a moins plu que En attendant le roi du monde parce qu'il est effectivement moins bon ou parce qu'il arrive après la bataille (la rencontre avec le style de Maulin, une oralité tout en finesse qui échappe aux clichés et aux lourdeurs, un écriture folle qui épouse le point de vue d'un personnage en mal de rationnel face à des partouzes métaphysiques) ?

J'ai une sainte horreur des critiques qui ne jurent que par "en comparaison avec son précédent..." mais là, impossible d'y couper. La parenté avec En attendant le roi du monde est plus que poussée. Dès les premières pages, la nostalgie du bouquin précédent : distribution des rôles comparables (le héros en mal d'authenticité, qui trouve le bonheur simple auprès de personnages improbables), trame initiatique quasi identique (à savoir : je plaque tout, je rencontre un ou deux cinglés sérieux plutôt sympa, il m'arrive des trucs pas possibles...).

Comble du comble, dans la troisième partie, Olivier Maulin s'autorise une sorte d'hommage : on assiste au retour parfaitement intempestif de la figure du Grutier, de Lucien.  Cette intertextualité assez malvenue qui me donne l'impression d'un remake fadasse qui aurait conscience de n'être qu'une pâle copie puisqu'il s'attache à célébrer son modèle. Je suis peut-être un poil méchante, mais les clins d'œil foireux, ça a le don de m'agacer.


Ah, il y a des choses qui fonctionnent, et même très bien.

Le comique de répétition ? Un délice, surtout quand la grossièreté incisive vient interrompre un délire ésotérique, tellurique, anomique. La drôlerie dans la lourdeur : les collègues parisiens qui demandent systématiquement si on a bouffé de la choucroute en Alsace, le curé et son obsession de Philippe Le Bel, le "woas nit" de Louiele... Les personnages principaux, armée d'aristocrates du cœur et du cul complètement déjantés : que du bonheur. On se délecte avec eux à chaque fois qu'un deltaplane s'écrase. Maulin a ce don de faire de ses personnages des Putains de Personnages, de leurs situations des Situations de Merde.


Au delà de ça, il y a aussi pas mal de choses qui fonctionnent moins, voire pas du tout.

L'arrivée de personnages comme Zorba ("Moi pas Zorba - Ta gueule !") ou Rodolphe fait un peu cheveux sur la soupe, on n'y croit pas. On s'ennuie à mourir pendant certains discours-fleuves bien trop convenus sur le Système, un système pourri voué à une fin imminente et explosive. On s'y fait parce qu'on reste entraîné par la dynamique, on aime ça, on veut le lire, sourire, en rire et crier au chef d'œuvre, on veut retrouver la magie... mais.

Je lirai le prochain avec plaisir. Et je pousserai une gueulante si je suis déçue.


 

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