"Ecrire, qu'est-ce que c'est ?"
Série de quatre conférences de Marie
Darrieussecq sur ce thème. J'ai manqué les deux premières qui
traitaient du rapport entre l'écriture et la psychanalyse. La troisième
portait sur le "je" en exil, textes d'Ovide,
Mandelstam et Celan à l'appui. Elle a conclu de manière assez juste
quoiqu'un peu classique sur la question de l'hermétisme, de
l'illisibilité en poésie en citant Rimbaud "Ça veut dire ce que ça veut dire, littéralement et dans tous les sens" et Pascal (cité par Celan dans Le Méridien) "Ne nous reprochez pas notre manque de clarté, puisque nous en faisons profession".
Ma
foi, c'était très intéressant, j'ai pris tout plein de notes colorées
(comme si je ne passais pas suffisamment de temps en cours pendant
l'année, il faut que j'aille m'enfermer dans une salle de classe de
l'ens Ulm entre 20h30 et 22h30...). Quatrième et dernière conférence le
13 mai. J'y serai.
Présentation du cycle Darrieussecq sur le site de l'ens :
« L’écriture c’est l’inconnu de soi » dit Duras dans Écrire. « C’est
une sorte de faculté qu’on a à côté de sa personne, parallèlement à
elle-même, d’une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible,
douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait, est
en danger d’en perdre la vie ». Cette prescience de l’inconscient,
certains écrivains en parlent, l’écrivent ; d’autres l’ignorent mais
la savent quand même, et on la lit entre leurs lignes, dans le blanc.
Comment attraper ça ? Comment saisir ce qui est à peine inscrit ?
Comment parler de ce danger, de ce vertige, de cet indicible, de ce
bonheur aussi ? Qu’est-ce que c’est, écrire ?
On pourrait partir de cette notion contemporaine, l’autofiction,
devenue si floue qu’elle est presque synonyme de littérature, mais qui
est née, chez Serge Doubrovsky, de la radicalité de l’association
libre : d’une pratique inscrite de la psychanalyse. On proposerait des
définitions pour des zones, des genres. On ouvrirait des manuscrits, on
chercherait l’inconscient dans les ratures. On passerait par l’écriture
de cas, et l’écriture de rêves. On tenterait de circonvenir des
clichés. On se proposerait un corpus sans organes, de livre en livre,
de saut en saut. « Un saut dans le vide - je retrouve la raison » :
Mandelstam. Qu’est-ce que ça veut dire, ces phrases-là ? Le vide au
cœur de l’écriture : explorer. La voix des fantômes : entendre. Et ce
je qui est un autre, rebattu, remâché : qu’est-ce que ça veut dire ?
Certes, on écrit où on ne sait pas, où on ne pense pas, mais il y a
aussi des choses que les poètes savent et qu’ils savent transmettre :
écrire, c’est aussi savoir. Quelle passerelle, entre la solitude de
l’écriture, et la solitude à deux de l’analyse ?